Découvrez le blog de l'Assemblée des Associations des Usagers de Paris Saint Lazare - AAUPSL

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Cette Assemblée permet aux associations de défense des usagers des diverses lignes aboutissant à Paris Saint-Lazare, de mettre en œuvre une démarche commune et solidaire au niveau d’un territoire élargi tout en respectant l’identité et les objectifs de chaque association adhérente.
Les associations membres sont : Bueil à Toute Vap’Eure (27) - Le Comité des usagers du Mantois (78) et l’AVUC Dieppe (76).

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lundi 16 novembre 2009

La fracture sociale de la « mobilité »

Article paru dans Le Monde Diplomatique de novembre 2009

Christian Blanc, secrétaire d’Etat chargé du développement de la Région capitale, a comme grand projet un métro automatique ultra rapide reliant les aéroports parisiens Roissy et Orly au centre de Paris. Une fois encore, les responsables politiques privilégient les cadres dynamiques des multinationales et les passagers VIP par rapport aux autres salariés et habitants : car, pour l’instant, rien n’est fixé concernant les déplacements de banlieue à banlieue. Pourtant, aujourd’hui, l’exigence de mobilité dans le monde du travail et l’étalement des emplois dans les agglomérations pénalisent doublement les classes populaires. Une situation d’autant plus paradoxale pour le département de Seine-Saint-Denis qui concentre quartiers en difficulté sociale et zones économiques engagées dans la compétition économique mondiale.

Inexorablement, les agglomérations s’étendent et les distances de trajet augmentent. En 1960, un actif parcourait trois kilomètres par jour en moyenne. En 1975, il en parcourait vingt. Aujourd’hui il en sillonne près du double. Et désormais, seul un actif sur quatre travaille dans la commune où il habite.

Avec la délocalisation des entreprises loin des centres urbains, les salariés ont à parcourir des distances de plus en plus importantes pour se rendre sur leur lieu de travail. Parallèlement, les temps partiels, les CDD et l’intérim se multiplient, les horaires sont éclatés avec le travail de nuit, ou le dimanche. Au gré de ses missions, un intérimaire peut travailler d’une semaine sur l’autre à deux extrémités d’une ville ou d’un département. Et, au final, les précaires et les chômeurs sont les premiers pénalisés par ce double éclatement.

Le permis de conduire : sésame obligatoire
« Du fait des horaires décalés, et du manque de transports en commun, avoir le permis B est un prérequis absolu pour les employeurs de Roissy, y compris sur des métiers où il n’est pas nécessaire de savoir conduire une voiture… constate Chantale Rivet, responsable pédagogique au centre de formation Camas à Tremblay-en-France. Résultat, n’ayant pas le permis, et encore moins la voiture, plein de jeunes sont de fait exclus. Alors que plusieurs dizaines de milliers d’emplois de premier niveau sont proposés à Roissy, on refuse des milliers de candidature à cause de ça ».

L’aéroport Roissy-Charles De Gaulle et sa zone d’activité constituent en effet le deuxième pôle d’emploi de l’Ile-de-France, après la Défense : 100 000 emplois en tout. Et avec 3 000 emplois créés en 2003, c’était l’un des plus dynamiques avant la crise. « Or, nous travaillons avec une population qui a rarement la possibilité de se payer un permis B. A Tremblay, on subit les nuisances de l’aéroport, sans bénéficier des avantages ». Et si le permis est un sésame obligatoire pour travailler à Roissy, c’est que l’offre de transports publics est inadaptée.

En effet, l’activité du fret, avec des rotations d’avions cargo, est concentrée la nuit. Résultat, 20 % des salariés de Roissy travaillent entre minuit et 4 heures du matin. 8 000 salariés arrivent à 5 heures du matin, et près de 6 000 à 7 heures. Ce qui n’empêche pas le service de bus de fonctionner principalement entre 7 heures et 9 heures… Sans compter qu’après 20 heures, de nombreux quartiers ne sont pas desservis car, suite à des agressions, certains chauffeurs refusent de « s’y risquer ».

Il est donc loin le temps où les entreprises assuraient d’elles-mêmes le ramassage de leurs ouvriers. « Pourquoi les entreprises ne seraient-elles pas capables d’assumer des services de bus ? », se demande Chantale Rivet. Et même si les questions de discrimination sont également à prendre en compte, seuls 19 % des salariés du pôle d’emploi de Roissy viennent de Seine-Saint-Denis.

Injonctions à la mobilité
Les problèmes de « mobilité » jouent ainsi comme un démultiplicateur d’inégalités : « Parce que la capacité de mobilité, et le plus souvent de mobilité autonome via l’automobile, est devenue une norme sociale, un prérequis, au même titre que lire, écrire ou compter, elle tend à marginaliser ceux que la vie a le moins bien dotés en capacités de mobilité », analyse Jean-Pierre Orfeuil, professeur à l’Institut d’Urbanisme de Paris.

Dans les « zones urbaines sensibles », la durée moyenne de chômage est diminuée d’un quart pour ceux qui ont le permis de conduire. Car, depuis trente ans, les usines qui étaient installées à côté de ces « grands ensembles » ont fermé les unes après les autres. Et aujourd’hui, la variation des lieux d’emploi au cours d’une carrière professionnelle oblige de plus en plus à l’expérience de la mobilité. Autrement dit, l’entreprise qui déménage demande à ses ouvriers de la suivre. « Et ce n’est pas qu’une question de transport, estime le sociologue Eric le Breton. Or, longtemps, l’enjeu de la mobilité n’a été traité que sur le mode des équipements de réseaux routiers et ferré, public ou individuel. C’est très loin de suffire. »

De fait, ces injonctions à la mobilité expriment aussi la volonté d’adapter la population active à la demande d’un appareil productif sans cesse plus flexible. Et dans ce nouveau jeu, il y a rapidement des gagnants et des perdants. En Ile-de-France, les emplois des cadres sont plus centraux (11 km du centre de Paris), et par conséquent plus concentrés que ceux des employés (13 km) ou des ouvriers (17 km). Dans son étude sur les disparités socio-spatiales d’accès au marché de l’emploi en Ile-de-France, Sandrine Wenglenski, maître de conférences à l’université Paris-Est de Marne-la-Vallée, montre qu’un cadre résidant à Paris intra muros accède en moyenne, en une heure de déplacement, à 82 % de l’emploi cadre francilien, contre 75 % de l’emploi régional pour un employé, et 67 % de pour un ouvrier.

« Au delà de la pratique habituelle de déplacement de ceux qui occupent un emploi, c’est le potentiel de mobilité de ceux qui perdraient leur emploi, l’ont perdu ou voudraient en changer qui distingue le plus les actifs », analyse Sandrine Wenglenski. Et ceux qui sont les plus mal lotis sont les habitants des zones périurbaines (notamment les quartiers pavillonnaires qui ont poussé comme des champignons ces dernières années), car extrêmement dépendants de la voiture. Ces personnes peuvent être actuellement dans une situation acceptable par rapport à leur emploi, mais ne disposent, pour de pures raisons spatiales, que de réserves très maigres d’emplois de remplacement. Pour les plus modestes d’entre-eux, il suffit d’une rupture (licenciement, divorce…) pour que la spirale d’exclusion se mette en place.

Sentiment d’illégitimité
L’aptitude à la mobilité n’est donc plus seulement une conséquence du niveau de vie, mais devient une condition de l’accès à l’emploi, et aux ressources urbaines. Résultat, en plus de traduire des inégalités, le type ou le défaut de mobilité peuvent conduire à leur reproduction. D’autant plus qu’il existe un réel sentiment d’illégitimité à occuper un espace non familier et à le parcourir. Les lieux de transit sont propices à l’expression de l’insécurité sociale. Et quand on ne sait pas lire un plan de métro ou qu’on n’a pas de voiture, on se satisfait rapidement des ressources de proximité, accessibles à pied.

Les communes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil se situent à 15 kilomètres de Roissy. Or, le taux d’utilisation des transports en commun y est le plus faible du département 46,1 % contre 50,2 % en Seine-Saint-Denis. En général, parmi les personnes que leurs conditions économiques rendent éligibles aux tarifs privilégiés qui se développent localement, on évalue à la moitié ceux qui y recourent effectivement.

« Il est nécessaire de prendre en compte la dimension globale de la mobilité, car celle-ci est autant culturelle que logistique, explique Esther Dubois, directrice mobilité et prospective de la Communauté d’agglomération de Clichy-sous-Bois/Montfermeil. Nous n’avons pas seulement pris en compte les déplacements de travail, et nous avons réalisé une enquête auprès de 900 collégiens, à propos notamment de leurs activités extra-scolaires… Et nous nous sommes aperçus qu’à force d’attente, un mécanisme d’auto-exclusion s’installait. » Pour donner accès aux gens à cette logique de mobilité, pour qu’ils s’approprient leur territoire, Clichy-sous-Bois et Montfermeil ont ainsi organisé des ateliers auprès de la population, et mis en place une carte expérimentale de bassin de vie.

Reste que dans ces deux villes, la pénurie de transport est criante : le réseau de bus est totalement inadapté, et le RER difficilement accessible. Le temps moyen pour rallier le centre de Paris est de 1 heure 30. « Et quand il faut entre 3 heures et 5 heures aller-retour pour faire des services de 2 heures à 3 heures à Roissy, les gens se découragent », raconte Esther Dubois. C’est pourquoi des liaisons directes avec Roissy et les gares sont prévues. Dans le cadre du plan « Espoir Banlieue », qui vise notamment à désenclaver « les quartiers » (1), le gouvernement a annoncé que le plateau de Clichy-sous-Bois-Monterfermeil sera relié à une nouvelle ligne de tramway évaluée à 150 millions d’euros (50 % Etat / 50 % région). Mais ce projet n’est programmé qu’à l’horizon de 2016 !

Trajets de banlieue à banlieue
Or, le temps presse : par rapport aux autres pays européens, la France dispose d’une desserte en transport public particulièrement modeste (22 % des Français sont sans accès aux transports publics, contre 13 % dans les pays nordiques, et 15% en Grande-Bretagne). En Ile-de-France, alors que 70% des trajets se font de banlieue à banlieue, il est urgent que des programmes s’engagent. Car pour « rétablir l’équilibre » à l’égard des quartiers populaires, une offre plus élevée et surtout plus diversifiée, dans l’espace et dans le temps, est indispensable.

« En Ile-de-France, la carte des réseaux de transports collectifs recoupe largement la carte des zones les plus riches. La concentration de l’emploi au centre, bien desservi par des moyens de transports rapides, économiques, est préférable même pour les résidents en périphérie », estime de son côté Laurent Davezies, spécialiste en développement territorial. Pour le chercheur, la solution passe donc par l’arrêt de l’étalement des emplois. Car, entre 1975 et 1999, Paris a perdu 300 000 emplois, et a continué à en perdre entre 2001 et 2005 (- 5,3 %). En attendant, le réseau francilien de transport public est totalement saturé.

La ligne 13 du métro en est le parfait symbole : 555 000 voyageurs par jour, 24 000 voyageurs aux heures de pointe, et un taux de charge record de 116 % (soit plus de quatre personnes au mètre carré). En 1989 déjà, les autorités annonçaient le dédoublement de la ligne. Près de vingt ans plus tard, rien n’a été fait.

Le métro automatique du « Grand Paris »
Depuis que le président de la République a évoqué un « Grand Paris » dans son « discours de Roissy » de juin 2007, M. Christian Blanc, le secrétaire d’Etat chargé du développement de la Région capitale a le projet de lancer une ligne de métro automatique reliant les aéroports parisiens à différents « pôles » d’activité de la métropole parisienne : la Défense, Saclay, le centre de Paris…

Mais ce plan transport de l’Etat qui cherche à desservir de manière express les pôles régionaux ne pose pas la question de l’accès à ce réseau des populations traversées. Le risque est pourtant grand que ce soient les personnes qui bénéficient déjà des transports en commun qui voient leur accessibilité améliorée, quand les habitants actuellement non desservis par les modes lourds sentiront seulement les métros passer sous leurs pieds.

M. Blanc annonce en effet une double boucle de 130 kilomètres de long, comptant quarante stations, soit une station tous les trois à quatre kilomètres, pour atteindre une vitesse moyenne de 60 km/h. Résultat, sur le plan urbain, les effets induits par une rocade express seront concentrés sur les seuls pôles de développement identifiés. Ceci aura pour effets :

— une flambée des prix du foncier des sites concernés et l’obligation de réaliser des opérations à haut rendement financier (tertiaire, logement de standing) pour rendre viables les opérations. Quid du logement social ? Du logement étudiant ? Des activités artisanales ? Des équipements publics ?

— la concentration des flux domicile-travail vers ces quelques pôles à l’image de ce qui se produit aujourd’hui vers la Défense avec la saturation du RER A et du RER E, et donc une disqualification de l’usage des transports en commun ;

— le creusement des inégalités avec l’oubli total des territoires traversés (sans arrêts) qui ne pourront pas mettre en place une politique de renouvellement urbain crédible, et dont les populations déjà lésées le seront encore plus après la mise en service de la rocade.

« Faire vite » ou « faire ville » ?
A moins qu’un système de rabattement complet et efficace sur ces fameuses stations (bus à haut niveau de service, tramway) soit mis en place. M. Christian Blanc aurait d’ailleurs l’idée de confier cette mission aux collectivités territoriales… Mais, du côté de l’Etat, aucun financement n’a été prévu.

Des solutions alternatives existent pourtant : en 2010, un grand débat public commencera ainsi sur le projet « Arc Express » (une rocade de métro en proche couronne parisienne, maillant l’ensemble des lignes de transports collectifs existantes) porté par le syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF). Dans cette perspective, les collectivités locales du Val-de-Marne, réunies au sein de l’association « Orbival, un métro pour la banlieue », portent également un projet de métro, baptisé Orbival, reliant toutes les lignes de métro et de RER existantes et desservant les quartiers aujourd’hui oubliés des transports en commun.

Une personne responsable du projet nous en explique la teneur : « Le projet de Christian Blanc ne nous apporte pour le moment aucune garantie sur la desserte réelle du territoire, avec un chiffre potentiel de six stations, quand le projet Orbival en compte environ une douzaine. La rocade proposée par le Val-de-Marne ne privilégie pas uniquement la vitesse, contrairement à celui de M. Blanc, mais cherche à concilier des temps de déplacement raisonnable à l’échelle régionale (30 minutes pour traverser le Val-de-Marne quand il faut actuellement 49 minutes et deux changements pour aller de Val de Fontenay à la Préfecture de Créteil, en prenant le RER A, le RER D, puis le bus 181) et une desserte fine du territoire avec une station tous les 1,5 km pour faciliter l’accès des habitants aux transports en commun et générer du renouvellement urbain et de la densification ». On retrouve là les propos de l’urbaniste Marc Wiel quand il oppose « faire vite » et « faire ville »…

Chiffres clés du transport en Ile-de-France
83 minutes : durée moyenne consacrée quotidiennement par un francilien aux déplacements. Source : INSEE.

70 % : part des déplacements de banlieue à banlieue dans le nombre de déplacement total (plus de 30 % des déplacements se font en marchant, et 30 % sont motorisés). Source : EGT (DREIF/INSEE, 2003).

79 % : c’est la proportion des emplois régionaux potentiellement accessibles pour un cadre résidant Paris en une heure de déplacement en transports en commun, contre 74 % en voiture. Source : EGT 2002 ; DREIF 2000, RGP 1999, CRETEIL/Institut d’Urbanisme de Paris, 2002

15 % : c’est la proportion des emplois régionaux potentiellement accessibles pour un employé résidant en grande couronne en une heure de déplacement en transports en commun, contre 46 % en voiture. Source : EGT 2002 ; DREIF 2000, RGP 1999, CRETEIL/Institut d’Urbanisme de Paris, 2002.

40 % : c’est la proportion des emplois régionaux potentiellement accessibles pour un ouvrier résidant en petite couronne en une heure de déplacement en transports en commun, contre 62 % en voiture. Source : EGT 2002 ; DREIF 2000, RGP 1999, CRETEIL/Institut d’Urbanisme de Paris, 2002.

105,20 euros : c’est le coût de l’abonnement mensuel pour un usager de grande couronne résidant en zone 5 qui se rend quotidiennement à Paris (zone 1) en transport collectif pour travailler (contre 53,5 euros pour un usager résidant travaillant à Paris intra muros). Source : STIF, 2007.

Sept milliards d’euros : c’est le coût d’investissement de l’ensemble des projets de transports collectifs inscrits au Contrat de Plan État-Région 2000-2006, les collectivités publiques ne s’étant engagées qu’à hauteur de trois milliards d’euros environ pour les financer. Source : CPER, 2000-2006.


Marc Endeweld
Journaliste.

(1) En juin 2008, le comité interministériel des villes (CIV) a précisé la mise en œuvre du volet transports du plan « Espoir Banlieues », qui concernera 215 quartiers en difficulté : un protocole d’accord entre l’Etat, la région Ile-de-France et le Syndicat des transports d’Ile-de-France a permis de mobiliser (seulement) 40 millions d’euros pour améliorer immédiatement la desserte des quartiers par des transports publics déjà existants. Il a aussi été décidé de lancer un appel à projet doté de 260 millions pour désenclaver les 152 quartiers prioritaires hors Ile-de-France.
Enquête à Roissy - Charles de Gaulle

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